Dix mois après avoir quitté ses fonctions, Carlos Tavares, l’ancien PDG de Stellantis, tire la sonnette d’alarme : le constructeur pourrait un jour se diviser si les tensions internes entre ses principales zones d’influence — la France, l’Italie et les États-Unis — ne sont pas mieux gérées.
Dans son nouveau livre publié jeudi en France, Tavares écrit qu’il redoute la rupture de l’équilibre tripartite qui lie les trois entités. Selon lui, la survie du groupe « dépendra d’une attention constante à son unité » pour éviter qu’il ne soit « tiré dans plusieurs directions à la fois ».
Un géant né d’une fusion complexe
Créé en 2021 de la fusion entre Fiat Chrysler Automobiles (FCA) et le groupe PSA (Peugeot-Citroën), Stellantis compte 14 marques sous son parapluie — de Jeep et Ram à Peugeot, Opel, Alfa Romeo et Maserati.
Mais la complexité de cette constellation devient un fardeau alors que :
- • la demande automobile stagne en Europe,
- • la concurrence chinoise s’intensifie,
- • et les tensions géopolitiques compliquent les investissements technologiques massifs requis pour l’électrification.
Une sortie mouvementée pour Tavares
Âgé de 67 ans, Tavares a quitté son poste en décembre dernier après des chutes marquées de parts de marché en Europe et aux États-Unis, accompagnées d’une baisse importante des profits.
Son mandat avait été marqué par une politique de réduction de coûts agressive, des délocalisations vers des pays à faible coût comme le Maroc et une opposition frontale aux syndicats et au gouvernement italien.
Son approche, jugée trop centrée sur les économies, aurait aussi mené à des problèmes de qualité et de positionnement des produits, selon des analystes.
Un héritage disputé
Dans son livre, Tavares conteste la version officielle des circonstances de son départ et affirme avoir toujours cherché à défendre les intérêts français au sein du groupe. Stellantis, pour sa part, refuse de commenter les propos de son ex-dirigeant.
Antonio Filosa tente de stabiliser le groupe
Le nouveau PDG, Antonio Filosa, entré en poste en juin 2025 après une longue recherche, tente de rétablir la stabilité. Il a déjà :
- • abandonné certains investissements européens,
- • promis d’investir 13 milliards $ US aux États-Unis — le marché le plus rentable du groupe,
- • et nommé plusieurs dirigeants issus de l’ancienne Fiat Chrysler, souvent liés à l’Amérique latine.
Ces choix ravivent les inquiétudes des syndicats européens, notamment en France et en Italie, alors que plusieurs usines fonctionnent actuellement en deçà de leur capacité.
Vers une séparation Europe–Amérique ?
Tavares va plus loin : il envisage une éventuelle scission des activités entre l’Europe et l’Amérique du Nord. « Un scénario possible serait qu’un constructeur chinois fasse un jour une offre sur les activités européennes, pendant que les Américains reprennent celles d’Amérique du Nord », écrit-il.
« Cela permettrait à chacun de se recentrer sur son marché, à l’image de ce que fait General Motors depuis dix ans. »
Une mise en garde claire
Au-delà des rancunes personnelles, le message de Tavares semble viser à prévenir une fragmentation interne d’un groupe né de compromis culturels et politiques délicats.
Avec la montée de la concurrence mondiale et la pression des gouvernements pour préserver l’emploi local, Stellantis risque de devenir le symbole des défis d’une mondialisation automobile en mutation.
Contenu original de auto123.