L'ancien conseiller d'Équipe Labeaume, Raymond Dion, n'est pas tendre à l'endroit de son ancien chef en regard de ses agissements dans le dossier du tramway de Québec.
Dans une lettre ouverte qu'il a fait parvenir aux différents médias de Québec, celui qui a brigué les suffrages sous la bannière du maire lors du plus récent scrutin avant de devenir indépendant, accuse Régis Labeaume d'avoir sciemment leurré les électeurs.
L'ancien président du RTC de 2009 à 2013 parle ni plus ni moins de «leurre», de «duperie», et «d'un des plus grands mensonges politiques de l’histoire de la Ville de Québec».
Il parle de tractations en catimini avec le gouvernement Couillard avant les élections municipales de 2017, qui ont mis la table au dévoilement du projet actuel en mars 2018.
Une situation qu'avait déjà dénoncée Raymond Dion sur nos ondes en juin 2020.
Son ancien chef l'avait alors qualifié de «complotiste».
Celui, qui a toujours été favorable à un projet de tramway à Québec, estime que le maire Labeaume a nui à la cause en soufflant le chaud et le froid dans ce dossier.
Lettre ouverte de Raymond Dion
La triste saga du projet de transport structurant aujourd’hui fragilisé et remodelé par le gouvernement Legault démontre l’incompétence patente du maire Régis Labeaume envers un projet de plus de 18 ans (initié sous Jean-Paul L’Allier en 2003) qu’il s’est évertué à rendre irréalisable et impopulaire à coup de revirements électoralistes et… de duperies.
Un projet nommé L’Allier ou RMQ
Le premier mensonge concerne le tracé choisi en 2010 par l’administration Labeaume, comme étant celui qui favorisait la plus grande mobilité durable. Or, le tracé de l’Axe Charest avait été choisi par Régis Labeaume parce qu’il mettait l’emphase sur le redéveloppement économique du boulevard Charest et surtout qu’il s’opposait au tracé Haute-Ville, proposé par Jean-Paul L’Allier et le RMQ. Le maire et son cabinet ont subtilement orienté et imposé au Comité de mobilité durable la seule option du tracé Charest. Ce n’était pas un choix « transport » par lequel on venait augmenter la capacité de déplacer plus de passagers, bien au contraire, mais un choix politique. La preuve en est que curieusement le « nouveau tracé » du tramway relie directement les deux grands pôles d’activités de Québec soit la Colline Parlementaire et le secteur d’affaires Laurier – Université Laval par la Haute-Ville, et que le tracé du boulevard Charest est maintenant abandonné. Conséquence : une énorme perte de temps et de gaspillage d’argent durant plus de 7 ans de tergiversations avec comme finale le fiasco du SRB.
Le grand leurre électoral de 2017.
La seconde duperie concerne l’annonce du projet de Réseau structurant avec tramway et trambus en mars 2018. Le maire Labeaume y avait annoncé que cela faisait 10 ans qu’il travaillait le projet et que le chiffre de 3,3 milliards était blindé. Or, le choix du tracé Charest avait orienté toutes les études incluant celles du défunt projet SRB (service rapide par bus) jusqu’ en 2017 ce qui nous avait éloigné d’une rigoureuse analyse et de sérieuses validations quant au nouveau projet de tramway. Conséquemment, le budget de 3,3 milliards ne tenait pas la route comme en font foi les multiples coupures ou abandons au projet initial de mars 2018 :
1. Le tramway terminera sa course à la 76 e Rue plutôt que la 80 e Rue;
2. Abandon de la station le Phare et de la portion souterraine Sainte-Foy;
3. Abandon de la station Carré d’Youville;
4. Abandon de la station Place Québec;
5. Abandon du 2 e centre d’exploitation (garage - entretien, réparation et rangement);
6. Abandon du réseau Trambus;
7. Abandon des remontées Haute-Ville et Basse-Ville pour vélos;
8. Offre de deux options de coupe aux futurs soumissionnaires pour le tramway :
- Arrêter la partie souterraine du tramway à Turnbull plutôt qu’à des Érables,
ramenant ainsi la station Cartier en surface;
- Arrêter le tramway à la 41 e Rue.
Bref, ces coupures représentent plus de 2 milliards en coûts évités. Le projet initial annoncé en grandes pompes en mars 2018 dépassait largement les 5 milliards selon une source spécialisée en transport (ingénieur retraité chez Bombardier Transport).
L’autre aspect de la duperie de mars 2018, c’est la légitimité politique de ce projet. En effet, le projet tramway a été concocté au printemps 2017 après que le premier ministre Couillard eu offert au maire Labeaume une somme de 3 milliards pour doter la Ville de Québec d’un véritable système de transport en commun digne de la Capitale du Québec, une offre substantielle et… structurante! Et ce, juste avant la campagne électorale municipale de l’automne 2017.
Lors d’une rencontre avec la députée de Chauveau à l’hiver 2017, cette dernière me faisait la déclaration suivante : « Le premier ministre, monsieur Couillard, a décidé d’offrir à la Ville de Québec la somme de 3 milliards pour réaliser le tramway, est-ce que tu crois que le maire Labeaume pourrait accepter de défendre ce projet? ». Régis Labeaume accepte le ``deal`` et remet prestement en selle son Comité de mobilité durable au mois de juin 2017 et décide dorénavant de payer les membres pour leur participation. Le projet de tramway est alors bel et bien sur les rails.
Durant la campagne électorale de 2017, pas un mot sur le 3 milliards du premier ministre Couillard, pas un mot sur la progression des travaux et études liés au nouveau projet tramway. Même les candidats(es) d’Équipe Labeaume, dont j’étais membre, ont été tenus dans l’ignorance. Et plus encore, durant la campagne électorale, le maire et candidat Labeaume déclare en octobre à la station CHOI Radio X qu’il est contre le tramway et s’en prend également à Démocratie Québec (successeur du RMQ) et à son projet de tramway. Peu après son élection soit le 19 décembre 2017, il vire capot sur le tramway et déclare : « Cela n’a pas fait partie de nos hypothèses pendant la campagne. C’est après ». (Le Devoir,2017-12-19). Or les faits prouvent le contraire.
Toutes ces duperies prennent l’allure d’un des plus grands mensonges politiques de l’histoire de la Ville de Québec. Pour des fins bassement électoralistes, Régis Labeaume a sciemment caché à la population de Québec qu’il s’apprêtait à mettre en place un super projet de tramway et de trambus de 3,3 milliards pour lequel les citoyens ne seraient pas appelés à se prononcer même si ces derniers auraient à assumer des dépenses entre 400 et 500 millions à même le budget de la Ville. Ce grand projet, le plus gros de l’histoire de la Ville de Québec, n’aura pas fait l’objet d’un débat démocratique véritable.
Mentir aussi pernicieusement pour assurer sa réélection et sa majorité au Conseil municipal constitue un déni démocratique inqualifiable. Le projet de tramway aurait pu être remarquable avec un très large consensus, et devenir celui de tous les citoyens de la Ville de Québec, plutôt que celui d’un seul homme obnubilé par le pouvoir.
Raymond Dion
Conseiller municipal, district Loretteville – Les Châtels
Président de l’arrondissement de La Haute-Saint-Charles
Ex-président du RTC 2009-2013